- ABU FIRAS AL-HAMDANI
- ABU FIRAS AL-HAMDANISans doute l’exil compte-t-il au nombre des grandes voix de la poésie universelle. Le mérite d’Ab Fir s fut de renouveler, sur ce mode, les thèmes traditionnels du lyrisme arabe, ou du moins certains d’entre eux. Ses accents très personnels, remarquablement accordés à une brève existence de bravoure et de malheurs, lui ont valu, dès le Moyen Âge qui le baptisa «soleil du temps», une de ces épithètes conventionnelles peut-être, mais auxquelles seuls les très grands eurent droit.Prince arabe, prince-poètePrince-poète, Ab Fir s al- ネamd n 稜 appartient à la grande famille des ネamdan 稜des qui régna sur la haute Mésopotamie et la Syrie du Nord au Xe siècle de notre ère. Le destin du poète est indissociable de celui de la dynastie, en butte aux rivalités internes, aux entreprises des nomades du désert, aux campagnes des Byzantins. Né en 932 (320 de l’hégire), éduqué à Alep, Ab Fir s partagera sa vie officielle entre les fonctions de gouverneur de province et le métier des armes, connaîtra la captivité, quatre années durant, à Constantinople et, de retour en Syrie, périra dans une révolte, à l’âge de trente-six ans.Le milieu naturel de la poésie d’Ab Fir s, c’est d’abord la cour d’Alep. La décadence du califat de Bagdad, c’est-à-dire de l’autorité souveraine de l’Isl m, avait favorisé l’éclosion de principautés indépendantes, de fait ou de droit: Alep, l’une d’elles, eut, comme ses sœurs, son souverain et sa cour, alors synonymes de mécénat: aux côtés d’Ab Fir s, la poésie arabe y comptera un autre nom plus célèbre encore: Mutanabb 稜.Les ネamd nides sont des Arabes. Avec eux règne à la cour d’Alep l’ancestrale tradition de bravoure, de générosité, d’ambition ombrageuse, toutes qualités auxquelles Ab Fir s conformera sa vie. Sa poésie n’y est pas moins fidèle; en des formes classiques, elle exalte, souvent avec grandeur, l’héroïsme du prince-poète et de sa famille:DIR\Tout un chacun, dans notre tribu, se trouve parmi les meilleurs; si le lacet se resserre autour d’elle, il la garde.Veut-elle un avis? Il devient son sage. Fait-elle la guerre? Il est son héros.Et quand on dresse les tentes, c’est à la sienne qu’on vient se réfugier, après avoir frappé à la porte des autres./DIRL’amour et l’exilCette poésie au grand cœur condescend parfois, dans le goût de Bagdad et sur le mode mineur, aux thèmes de l’amitié et de l’amour. Mais la grande œuvre d’Ab Fir s, la plus bouleversante en tout cas, ce sont les poèmes écrits pendant la captivité au pays byzantin ou, comme on disait alors, chez les «Romains»: d’où le nom de R miyy t donné à ces quelque huit cents vers où se mêlent les reproches à la famille et aux amis, soupçonnés de trop bien se passer de l’exilé, la nostalgie des jours heureux et de la patrie perdue, la soif de liberté; le tout atteint son point culminant avec un admirable et célèbre poème sur la mort de la mère:DIR\Mère du prisonnier, la pluie descend sur toi, la pluie que tu ne voulais pas, loin de ton prisonnier!Mère du prisonnier, la pluie descend sur toi, tourbillon immobile qui ne va ni ne vient.Mère du prisonnier, la pluie descend sur toi, mais pour qui viendra, avec la rançon, le porteur de bonne nouvelle?Mère du prisonnier, à qui donc vont aller, maintenant que tu es morte, les tendres pensées?...Ah! puissent te pleurer tous les jours de tes jeûnes, passés sans faiblesse, dans l’embrasement des midis!Ah! puissent te pleurer toutes les nuits de veille, jusqu’aux premières lueurs de l’aube!Ah! puissent te pleurer tous les persécutés que tu as recueillis, quand la peur leur faisait les asiles si rares!...Ô ma mère, combien de longs chagrins emportés avec toi, sans une consolation?Ô ma mère, combien de secrets gardés jalousement, qui meurent avec toi sans avoir vu le jour?/DIR
Encyclopédie Universelle. 2012.